Fabrication

Bois. Mes serpents sont composés de deux demi-coques en bois, taillées en miroir. J’utilise pour cela des bois durs qui se taillent bien, tels que l’érable, le poirier, le noyer ou le cerisier. Ces bois ont également très peu de pores et un fini de surface naturellement lisse et très serré, qualités intéressantes pour la facture d’instruments à vent.

Les pièces capables (~850x450x57mm) sont d’abord dégrossies pour réaliser la perce intérieure ; pour la taille de finition, gouges et racloirs s’ajustent aux différentes courbes. La forme extérieure est ensuite ébauchée et les demi-coques assemblées provisoirement pour une première vérification et correction de la justesse de l’instrument avant le collage.

Après celui-ci, je procède aux réglages fins, notamment celui des trous. Durant cette étape je joue, j’écoute et j’ajuste pour arriver progressivement à l’équilibre de l’instrument. Le serpent étant un instrument d’une grande souplesse , il faut explorer chaque note et sa relation avec les autres. C’est un travail essentiel qui sera encore affiné après la pose du cuir.
Après la finition de la forme extérieure et la dernière imprégnation en huile, le serpent se reposera encore quelques semaines avant de recevoir sa peau.

Cuir. Traditionnellement le serpent est de couleur noire, mais suivant le cuir choisi, la couleur avant teinte peut aller de beige claire à brun foncé. Je choisis les peaux pour leur souplesse et le rendu qu’elles auront après le gainage : tannées au tanin d’origine végétale, non teintées ou vernis par le tanneur.
Le cuir mouillé est mis en forme sur l’instrument à l’aide de colles chaudes additionnées de résines naturelles en solution. La gélatine contenue dans ces colles, l’humidité et la juste température de travail aident à modeler le cuir sur l’instrument à mesure que la colle assure une liaison intime entre le bois et le cuir.

Au rythme de l’avancement, les joints de recouvrement sont recoupés et parés: pour parer les joints, je les diminue en biseau dans l’épaisseur dessus et dessous puis les rabats et les colle. Le type de colle utilisé assure une liaison très forte entre les éléments: un joint est rapidement difficile à décoller et sa qualité assure un gainage continue autour du serpent.

La tension du cuir au séchage renforce l’homogénéité du corps de

l’instrument et … du timbre. C’est un moment étonnant que de découvrir le son du même instrument après gainage: il a gagné en luminosité, en régularité sur l’ensemble des notes, en puissance aussi mais en gardant sa rondeur.

Laiton. Pour réaliser le bocal une feuille de cuivre trapézoïdale est enroulée autour d’un mandrin conique ; elle est martelée, soudée, puis remplie de plomb fondu: le plomb a la juste rigidité pour accompagner le cône de laiton pendant le cintrage sur une forme.
La conicité fait l’objet d’une attention toute particulière pour la justesse de l’instrument dans les différents diapasons proposés -415, 440, 430- La forme au cintrage également pour une position agréable de l’instrument.

J’ai dessiné les clés de mes serpents suivant le modèle du serpent historique n° mesuré au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles. Elles sont forgées et façonnées dans des barres de laiton ; la calotte qui recevra les tampons est soudée et ajustée à la courbe de l’instrument. Les tampons sont fait en feutre d’agneau mégissé, mode de tannage particulier qui donne un cuir extrêmement souple et moins sensible à l’humidité.

Corne & Bois des embouchures. Pour le tournage des embouchures j’utilise des bois très dur et lisse : buis européen, ébène, bois de rose… et de la corne.

Le travail des embouchures est sans cesse en évolution il est le fruit de relevés historiques mais aussi de longues expérimentations en situation acoustique et musicale. L’embouchure  est un élément déterminant dans la relation qu’a le musicien avec son instrument et penser un seul modèle d’embouchure avec une vision unique du son serait une aberration. Le serpent a traversé plusieurs siècles ainsi que beaucoup d’environnements musicaux. Et si l’instrument lui même semble n’avoir reçu que peu des modifications il n’en va pas de même pour l’embouchure qui devait lui offrir des voix différentes selon qu’il accompagnait le plain chant ou sonner dans l’orchestre.

Cependant deux grandes familles de profiles internes se distinguent :

– la famille avec cuvette hémisphérique, riche en fréquences basses, son « spectral » avec une présence de vent dans le son pour se fondre dans les voix au sein d’une acoustique très reverbérantes ou parmi une texture instrumentale de cordes dans un continuo par exemple pour du répertoire plutôt XVII et XVIII.

– la famille avec cuvette plutôt conique au son plus timbré, plus centré, plus riche en fréquences médium pour un jeu plus soliste et pour l’orchestre dans un répertoire plus tardif.